Miel, gelée royale, propolis… la consommation de produits de la ruche peut provoquer des effets potentiellement graves chez les allergiques aux pollens et les très jeunes enfants. Point sur les manifestations cliniques, les personnes à risque et les dernières recommandations de l’Anses.
Les produits de la ruche
On entend par ce terme tous les produits que les abeilles récoltent(nectar, pollens, etc.) ou qu’elles fabriquent(miel, gelée royale…). Le Réseau d’allergovigilance estime la fréquence des anaphylaxies alimentaires liées au contact avec ces produits à 1,26%, ce qui permet de les classer dans la catégorie des allergènes émergents(encadré). Par ordre décroissant sont incriminés les pelotes de pollen, le miel, la gelée royale et la propolis.
Tous les patients ayant eu des anaphylaxies sévères de grade2 ou 3 aux produits de la ruche étaient initialement allergiques au moins à un pollen anémophile(véhiculé par le vent) à l’origine de rhinite ou d’asthme et/ou de conjonctivite.
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Allergie alimentaire IgE-médiée
Au miel
La première allergie par ingestion de miel a été publiée en 1984, chez un apiculteur allergique aux pollens de composées. Depuis, des réactions anaphylactiques ont été observées à plusieurs reprises après l’ingestion de miels de différentes provenances géographiques. À chaque fois, il existe des antécédents d’allergie aux pollens. D’autres symptômes sont signalés: urticaire, œdème, troubles digestifs avec douleurs abdominales et diarrhée, crise d’asthme.
Le miel est un savant mélange de nectar de fleurs ou de miellat provenant d’insectes(pucerons ou cochenilles), de pollens, de propolis, d’enzymes salivaires des abeilles et de morceaux de leur corps.
Grâce à la nouvelle technique qu’est l’allergomélissopalynologie, il est possible de mieux cibler la composition allergénique des pollens de ces produits. Ainsi, l’origine géographique du miel a son importance, de même que sa composition qui varie selon les périodes de l’année et les plantes mellifères butinées. Il faut en effet distinguer les plantes nectarifères(lavandin) butinées pour leur nectar des plantes pollinifères(noisetier) butinées pour leurs pollens. Certains végétaux, comme le saule et le romarin, sont les deux à la fois.
Les allergiques aux pollens, en particulier de composées(armoise, ambroise, pissenlit, chrysanthème, laitue, arnica, camomille), doivent se méfier d’une possible allergie au miel puisque 10mg de ce produit contiennent entre 20000 et 100000grains de pollens.
À la gelée royale
Substance fluide de texture gélatineuse sécrétée par les abeilles ouvrières entre le 5e et le 14ejour de leur vie, la gelée royale sert dans la ruche à l’alimentation des larves et de la reine. Elle contient environ 14% de sucre, 70% d’eau, des lipides, des protéines, des vitamines, des oligoéléments et des grains de pollens. Sa production annuelle par ruche est estimée à 300mg. Elle se consomme en capsules, ampoules ou flacons pour soi-disant «fortifier l’organisme».
Les manifestations allergiques accompagnant sa consommation sont graves d’emblée: crise d’asthme sévère, œdème, réaction anaphylactique. Le terrain atopique et des antécédents d’allergies aux venins d’abeille sont les principaux facteurs favorisants.
Les neuf allergènes de la gelée royale se déclinent sous le nom de Major Royal Jelly Protéines(MRJP). MRJP1 et 2 sont retrouvés également dans le miel. Sous la dénomination internationale IUIS, les allergènes Api m 11.0101 (MRJP8) et Api m 11.0201 (MRJP9) sont des composants du venin d’abeille.
Les pelotes de pollen
Ces pelotes sont transportées par des corbeilles à pollen situées sur la 3epaire de pattes des abeilles butineuses, puis elles sont collectées par l’homme à l’entrée de la ruche à l’aide de trappes à pollen. Ces produits sont consommés sous la forme de compléments alimentaires. Il s’agit essentiellement de pollens de composées mellifères(tournesol, chardon, pissenlit) mais aussi de plantes non mellifères(armoise, graminées, oléacées). La quantité de pollens peut aller de 400000 à 6400000grains anémophiles par gramme de pelote.
Poser le diagnostic
L’interrogatoire précise la chronologie et la possible récurrence des symptômes à chaque consommation de produit, les antécédents de pollinose ou d’allergie aux hyménoptères. Lesprick-tests cutanés sont réalisés avec le produit suspecté(miel, gelée royale, etc.). Lorsque l’on suspecte une allergie au miel, la recherche d’une allergie concomitante à la gelée royale et aux pollens de composées(armoise, ambroisie pissenlit, chrysanthème…) est conseillée. Le bilan peut être complété si nécessaire par un test de provocation orale en milieu hospitalier. Le dosage des IgE spécifiques anti-miel n’est plus disponible.
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L’eczéma de contact à la propolis
Utilisée depuis l’époque de Stradivarius dans la composition de vernis pour les instruments à corde, la propolis est une résine fabriquée par les abeilles à partir de substances récoltées sur les bourgeons des arbres avoisinant la ruche. Ensuite, mélangée avec la ß-glucosidase de la salive des abeilles et la cire d’abeille, elle sert à colmater les interstices des ruches. Elle se compose de 50% de résines, de 30 à 40% de cire, d’huiles aromatiques(5 à 10%), de pollens(5%) et d’autres substances comme la vanilline ou l’aldéhyde cinnamique.
La propolis est commercialisée sous forme de capsules, comprimés, gomme à mâcher, antiseptique buccal et même de sirops mélangés à des plantes. Ingérée, elle peut entraîner des chéilites aiguës ou chroniques, un œdème pharyngé ou un eczéma généralisé.
En cosmétologie, on peut la retrouver dans des dentifrices, des shampooings, des rouges à lèvres, des savons, des crèmes solaires… L’eczéma de contact qu’engendre la propolis peut être sévère avec l’apparition des réactions bulleuses à l’endroit de l’application. Dans ce cas de figure, les patch-tests sont utiles d’autant que la propolis fait désormais partie intégrante de la batterie standard européenne. De plus, il existe de nombreux allergènes communs entre la propolis et le baume du Pérou(benzoate de benzyle, cinnamate de benzyle, cinnamate de cinnamyle, acide vanilique) mais aussi des réactions croisées avec la colophane et les mélanges de fragrances1 et 2.
Les professions les plus exposées sont les apiculteurs, les musiciens et fabricants de violon et les personnes manipulant la cire d’abeille(la propolis en représente une impureté).
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Risque de botulisme chez les bébés
Le miel peut contenir de spores de Clostridium botulinum préalablement transportées par les abeilles. Ingérées par un enfant de moins de 1 an, ces spores peuvent produite une toxine au niveau digestif, non détruite par un microbiote intestinal encore trop peu développé. Apparaissent alors chez ces jeunes enfants des manifestations cliniques telles qu’une faiblesse générale avec diminution du réflexe de succion, un manque d’expression au niveau du visage, une possible constipation rebelle. La paralysie du diaphragme impose une hospitalisation. Ainsi, selon l’Anses, il est absolument déconseillé de donner du miel, quelle que soit son origine, aux nourrissons de moins de 1 an.
Encadre
Allergène émergent: définition
Un allergène émergent est défini par l’Anses comme un allergène causant 1% ou plus des anaphylaxies sévères en France, enregistrées par le Réseau d’allergovigilance, ou s’il entraîne un risque de réaction croisée moléculaire avec un allergène appartenant à la liste des allergènes à déclaration obligatoire. Actuellement, il existe huit allergènes émergents: les laits de chèvre et de brebis, le sarrasin, le pignon de pin, le pois blond, les lentilles, le kiwi, l’alphagalactose des viandes de mammifères et les produits de la ruche.
Pour en savoir plus
Dutau G, Rancé F. Allergies au miel et aux produits de la ruche.Rev Fr Allergol 2009;49(1):S16-22.
Vezir E, Kaya A, Toyran M, et al. Anaphylaxis/angioedema caused by honey ingestion. Allergy Asthma Proc2014;35(1):71-4.
Nonotte-Varly C. Les pollens allergisants de la gelée royale d’origine française. Rev Fr Allergol 2022;62(6):529-35.
Nonotte-Varly C. Quand l’abeille pelote le pollen allergisant.Rev Fr Allergol 2021;61(3):153-60.
Di Costanzo M, De Paulis N, Peveri S, et al. Anaphylaxis caused by artisanal honey in a child: a case report. J Med Case Rep 2021;15(1):235.
Anses. Allergies aux pollens et compléments alimentaires: l’Anses rappelle les précautions à prendre. 25juillet2018.
Jarlot-Chevaux S, Dumond P, Tscheiller S, et al. Anaphylaxie alimentaire aux produits de la ruche: à propos de 32cas déclarés au Réseau d’Allergo-Vigilance®. Rev Fr Allergol 2022;62(2):158-65.
Charansol A, Pelletier F, Aubin F, et al. Allergie au parfum de la cire d’abeille et de la propolis. Ann Dermatol Vénéréol2022;2(8);1:A148.
Geny-Duthey S, De Blay F. Allergie au miel et à la gelée royale, à propos d’un cas. Rev Fr Allergol 2017;57(3):228.
Blank S, Bantleon FI, McIntyre M, et al. The major royal jelly proteins8 and 9 (Api m 11) are glycosylated components of Apis mellifera venom with allergenic potential beyond carbohydrate-based reactivity. Clin Exp Allergy 2012;42(6):976-85.
Anses. Pas de miel pour les enfants de moins d’un an. 31octobre2023.
Dans cet article
- Les produits de la ruche
- Allergie alimentaire IgE-médiée
- L’eczéma de contact à la propolis
- Risque de botulisme chez les bébés
Encadrés